Photo: Candace Wasacase Lafferty accepte le titre de membre honoraire de l'AAPC et de la SALA, présenté par Brad Wilson, président de la SALA, et Chris Grosset, Président sortant de l'AAPC (juin 2023, à Saskatoon).
Le Guide de reconnaissance territoriale de l'AAPC propose aux membres et amis de l’AAPC les grands principes à connaître avant de préparer un énoncé de reconnaissance territoriale.
Il ne s’agit pas d’une simple liste de contrôle, mais plutôt d’un ensemble d’éléments dont vous devez tenir compte en préparant un énoncé.
Vous devez connaître le contexte historique et culturel, et prendre conseil auprès des organisations autochtones de la région.
Les frontières des territoires traditionnels des Inuits, des Métis et des Premières Nations se sont déplacées au cours de l’histoire se chevauchant au fil des générations. Délimiter des territoires en tenant compte d’une période historique en particulier peut être difficile. Assurez-vous de bien connaître le contexte historique dudit territoire.
Qu’est-ce qu’une reconnaissance territoriale?
La reconnaissance territoriale est une pratique coutumière de nombreuses communautés autochtones au Canada. Elle marque le respect des visiteurs envers les communautés et territoires autochtones qu’ils visitent.
La reconnaissance territoriale est également une responsabilité, car elle exige que le visiteur se renseigne sur l’histoire du territoire sur lequel il travaille et s’exprime.
*La reconnaissance territoriale n’est pas une pratique coutumière chez les Inuits (voir la Note au sujet du Nunangat inuit).
Pourquoi la reconnaissance territoriale est-elle importante?
La reconnaissance et le respect sont deux éléments essentiels à l’établissement de relations saines et réciproques. La reconnaissance est un petit geste qui participe au démantèlement des structures coloniales. La reconnaissance territoriale, qui est un gage de gratitude envers les peuples autochtones et leur territoire traditionnel, propose une vision divergente de l’eurocentrisme. Reconnaître l’histoire du colonialisme et la nécessité d’un changement au sein de la société canadienne est un aspect essentiel du processus de réconciliation.
Nos responsabilités à titre d’architecte paysagiste
Les architectes paysagistes peuvent contribuer à l’effort national de réconciliation entre les citoyens autochtones et non autochtones vivant au Canada. L’architecture de paysage s’intéresse aux relations entre les individus et l’environnement, et propose une approche interdisciplinaire et holistique de notre environnement. Les principes et objectifs de l’architecture de paysage sont en adéquation avec les valeurs des cultures autochtones. Il est crucial que les architectes paysagistes prennent en compte les peuples autochtones et qu’ils reconnaissent leurs valeurs, leurs voix et leur savoir en matière d’aménagement, de design et de gestion des paysages.
La Commission définit la « réconciliation » comme l’établissement et le maintien d’une relation de respect mutuel entre peuples autochtones et non autochtones.
Pour ce faire, nous devons :
- Reconnaître les préjudices causés;
- Reconnaître et réparer les fautes du passé;
- Faire évoluer les mentalités.
Tous les Canadiens ont la responsabilité de réfléchir à ce que la reconnaissance du colonialisme et ses conséquences signifient.
- Quels sont les privilèges dont jouissent aujourd’hui les citoyens canadiens en raison du colonialisme?
- Comment établir une relation, dans le contexte géopolitique actuel, avec les premiers peuples du territoire?
- Que faites-vous (votre entreprise) au-delà de la reconnaissance du territoire sur lequel vous vivez, travaillez et organisez vos activités?
- Que faites-vous pour remettre en question la notion du colonialisme plutôt que d’en perpétuer l’essence?
- Êtes-vous conscient de la violence et du traumatisme au sein de la structure coloniale?
Comment préparer une reconnaissance territoriale?
L’énoncé sera une expression sincère de votre reconnaissance des peuples autochtones et du territoire sur lequel se déploie le projet, la réunion ou le rassemblement. Il est important d’adapter votre énoncé à l’emplacement, aux événements, aux enjeux et aux collectivités concernées. L’objet étant de replacer le projet, la réunion ou le rassemblement dans le contexte historique du territoire autochtone en question afin que les participants en tiennent compte.
Qui est responsable des énoncés?
Le visiteur, le résident non autochtone ou le résident autochtone d’une autre Nation manifeste sa reconnaissance. Il ne faut pas confondre l’énoncé et l’accueil formel que les Autochtones dudit territoire réservent à leurs invités.
Le fait de devenir compétent en matière de reconnaissance territoriale vous permet dans le cadre de votre travail de vous engager plus profondément auprès d’un territoire et d’une culture locale. Vous permettez ainsi à votre personnel, à vos collègues ou à vos élèves de débattre de la question du changement systémique et de poser des gestes concrets.
Quand prononcer un énoncé de reconnaissance?
Dans la plupart des cas, les énoncés sont communiqués oralement au début d’une activité. Il est également possible de les afficher sur un babillard ou en ligne, mais en guise de complément et non de remplacement de l’énoncé verbal. Dans le cas des énoncés écrits, tous les principes directeurs du présent guide s’appliquent.
Définir l’objectif
Avant d’entamer votre énoncé, réfléchissez à votre objectif : par exemple, inspirer d’autres personnes à soutenir les communautés autochtones.
Préparer un énoncé réfléchi exige de la rigueur et de la préparation. Vous pourriez trouver utiles à votre réflexion les questions suivantes :
- Comment s’applique-t-elle à l’activité ou au travail que vous effectuez?
- Quelle est l’histoire de ce territoire? Quels sont les impacts du colonialisme sur ce territoire?
- Quel est votre lien avec ce territoire?
- Quelles sont vos intentions, en plus de la reconnaissance territoriale, en matière de déconstruction du colonialisme?
Se renseigner sur le territoire
Déterminez si le lieu de rencontre est sur un territoire visé ou non par un traité, ou s’il fait partie du Nunangat inuit ou des territoires des Métis. Cherchez le nom des peuples et des communautés autochtones qui vivent dans la région. Une ressource utile pour identifier les territoires et les nations : https://native-land.ca (en anglais seulement). Contrevérifiez l’exactitude des données en consultant d’autres sources.
Les frontières des territoires traditionnels se sont déplacées au cours de l’histoire. Délimiter des territoires en tenant compte d’une période historique en particulier peut être difficile. Assurez-vous de bien connaître le contexte historique desdits territoires.
La formulation et la prononciation de votre énoncé doivent être impeccables.
Assurez-vous d’avoir en main tous les renseignements pertinents. Il est important de :
- Connaître l’historique des lieux avant et après la colonisation, ainsi que les traités connexes;
- Prononcer correctement le nom des nations, des communautés, des lieux et des individus;
- Utiliser les termes appropriés comme Première Nation, Métis et Inuit, plutôt que les désignations désuètes comme Indien, Eskimo, etc.;
- Utiliser des termes comme colonisation, colonisateur, assimilation et territoire volé pour souligner les préjudices causés aux peuples autochtones;
- Il s’agit d’une réalité présente et non seulement passée. Les peuples et les cultures autochtones sont vivants et actifs. Ils ne font pas partie des vestiges du passé.
Il existe des centaines de groupes dans les trois peuples autochtones (Premières Nations, Métis et Inuits) vivant au Canada, et de nombreux noms et titres territoriaux sont difficiles à prononcer. N’hésitez pas à vous renseigner sur la prononciation correcte des noms des peuples et des territoires autochtones dans le cadre de votre reconnaissance. Si vous n’êtes pas sûr de la prononciation, vous pouvez notamment :
- Demander à un membre de la Nation, de la collectivité ou à un organisme local, comme les centres d’amitié par exemple;
- Consulter le site web de la Nation, de l’organisation ou de la communauté. Certains sites proposent un enregistrement audio de leur nom, sous l’onglet « À propos », ou des vidéos qui présentent des membres qui prononcent le nom de leur Nation.
- Consulter les médias sociaux, une autre source d’informations qui permet de connaître la bonne prononciation.
- Contacter les services de la Nation, de la communauté ou de l’organisme en dehors des heures d’ouverture pour écouter le message de la boîte vocale.
Personnalisez votre discours
Parler sincèrement de vos convictions sur le colonialisme et de votre cheminement vers la réconciliation est une excellente approche. Parlez avec authenticité de votre position personnelle, de vos antécédents (p. ex. reconnaître que vous êtes un immigrant), de votre relation avec le territoire et les peuples autochtones, de votre cheminement vers la réconciliation. Exprimez également les motifs de votre reconnaissance et vos responsabilités en qualité de visiteur ou de résident dudit territoire.
Établissez un lien entre votre expérience et votre reconnaissance des peuples autochtones. Voici quelques exemples :
- « Étant moi-même non autochtone, je m’engage à… [décrivez votre engagement à travailler activement contre le colonialisme et en faveur de la réconciliation] ».
- « En qualité d’immigrant venant de [décrivez vos origines], je cherche à approfondir ma compréhension des communautés autochtones. Je m’engage à recadrer mes responsabilités en fonction du territoire et de la communauté ».
- « Je me présente devant vous, conscient d’être sur un territoire sacré pour les habitants de ce lieu, afin de vous communiquer de l’information sur un projet qui pourrait avoir un impact sur les ressources naturelles et sur les communautés autochtones. Nous souhaitons mettre en place un véritable processus de consultation auprès des communautés autochtones ».
- « Nous reconnaissons la contribution de [nom de la communauté autochtone] au projet auquel nous participons aujourd’hui. »
Réunions en ligne
La reconnaissance des territoires doit faire partie de toutes les réunions, y compris les réunions virtuelles. En fonction de la localisation de vos participants, vous pouvez reconnaître le territoire sur lequel vous vous trouvez et "tous les territoires" à partir desquels se connectent ceux qui vous rejoignent dans la réunion, et suggérer que les autres fassent savoir au groupe à partir de quel territoire ils se connectent en faisant le tour de l'appel ou par le biais du chat, s'il est possible de le faire.
L’énoncé de reconnaissance doit ouvrir toutes les réunions, y compris les réunions virtuelles. Selon l’emplacement de vos participants, vous pouvez reconnaître tous les groupes autochtones ou reconnaître le territoire en particulier sur lequel vous vous trouvez. Voici des exemples de reconnaissance territoriale que vous pouvez personnaliser :
- J’aimerais avant tout, dans le cadre de la présente réunion virtuelle, reconnaître les peuples autochtones et le territoire sur lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Nous souhaitons exprimer à nouveau notre volonté d’établir des relations harmonieuses entre nations, et notre volonté de mieux comprendre les peuples autochtones et leurs cultures.
- D’un océan à l’autre, nous reconnaissons le territoire ancestral des Inuits, des Métis et des membres des Premières Nations qui vivent sur ce territoire.
- Je propose un moment de réflexion afin de reconnaître les conséquences des pensionnats et du colonialisme sur les familles et les communautés autochtones, et d’élever, dans un esprit de collaboration, la réconciliation à un niveau supérieur.
- Nous proposons à notre équipe, à nos clients et à nos partenaires de réfléchir aux conséquences du colonialisme et de s’investir dans la réconciliation.
Autres techniques de reconnaissance
Le bloc-signature des courriels et les pages d’accueil des sites web peuvent également comprendre un énoncé de reconnaissance territoriale. Les publications, rapports et autres documents officiels peuvent aussi inclure un énoncé. Assurez-vous que tous les visiteurs de votre lieu de travail sont en mesure d’identifier le territoire traditionnel en l’affichant, par exemple, dans le hall d’entrée ou la salle commune.
La reconnaissance territoriale n’est pas une pratique coutumière chez les Inuits.
La patrie des Inuits, le Nunangat inuit, s’étend sur les terres et les eaux de l’Arctique. Leur territoire correspond au tiers de la superficie canadienne, à plus de la moitié de son littoral et à d’importantes zones marines, y compris la banquise côtière, les eaux intérieures et les zones extracôtières. Les Inuits, peuple autochtone distinct, ont une histoire, une identité, une culture (y compris une langue) et un mode de vie qui lui sont propres. Le Nunangat inuit comprend quatre régions distinctes, chacune ayant sa propre culture et sa propre histoire :
- Nunavut;
- Nunavik (Québec);
- Nunatsiavut (Labrador);
- Région désignée des Inuvialuit (Territoires du Nord-Ouest et Yukon).
Bien que les reconnaissances de terres ne soient pas courantes dans l'Inuit Nunangat, il existe des protocoles pour ouvrir une réunion entre Inuits qui peuvent varier selon les lieux. Demandez conseil à la communauté d'accueil au sujet des pratiques cérémonielles qui peuvent comprendre, entre autres, une prière d'ouverture, une cérémonie du qudliq (allumage d'une lampe à huile traditionnelle), des remarques préliminaires ou des récits d'un aîné. Si vous souhaitez fournir une reconnaissance territoriale dans l'Inuit Nunangat, le libellé dépend de l'existence ou non d'un accord moderne sur les revendications territoriales. En voici un exemple : "Nous reconnaissons que nous nous réunissons à Iqaluit sur des terres couvertes par l'Accord du Nunavut et situées dans l'Inuit Nunangat.
La Loi sur les Indiens de 1985 ne s’applique pas aux Inuits.
Le gouvernement du Canada et les Inuits renouvellent leur relation fondée sur le respect, la coopération et le partenariat par l’entremise du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne. Dans le Nunangat inuit, il existe cinq traités modernes (aussi Accords sur les revendications territoriales) et un seul gouvernement (ou organisation inuite signataire des traités) :
- Convention définitive des Inuvialuit (autonomie gouvernementale) – The Inuvialuit Regional Corporation;
- Accord du Nunavut – Nunavut Tunngavik Incorporated et le gouvernement du Nunavut;
- Convention de la Baie-James et du Nord québécois – Société Makivik;
- Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik – Société Makivik;
- Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador – Gouvernement du Nunatsiavut.
Reconnaissance et autres pratiques cérémonielles
La reconnaissance territoriale n’est pas une pratique coutumière chez les Inuits qui ont toutefois leurs propres pratiques cérémonielles selon la région. Pour plus d’informations sur lesdites pratiques, n’hésitez pas à contacter la communauté.
Voici quelques exemples (il en existe bien d’autres) :
- une prière d’ouverture;
- cérémonie du qudliq (allumage d’une lampe à huile traditionnelle);
- mot d’ouverture et court récit d’un Aîné.
La formulation des énoncés dans le Nunangat inuit dépendra de l’existence ou non d’un accord moderne sur les revendications territoriales. Par exemple, une réunion qui se déroule à Iqaluit pourrait comprendre la mention suivante : « C’est avec respect que nous nous réunissons aujourd’hui à Iqaluit sur le territoire visé par l’Accord du Nunavut et dans le Nunangat inuit ».