Le 27 juin 2023, le gouvernement du Canada a lancé la Stratégie nationale d'adaptation (SNA) Bâtir des collectivités résilientes et une économie forte en partenariat avec des partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones de tout le Canada.L'AAPC reconnaît que les architectes paysagistes du Canada joueront un rôle important en contribuant à l'adaptation climatique dans les cinq systèmes identifiés dans la SNA, notamment : la résilience aux catastrophes, la santé et le bien-être, la nature et la biodiversité, les infrastructures, et l'économie et les travailleurs.
La stratégie est le fruit de deux années d'engagement avec les provinces et les territoires, les partenaires autochtones, les principaux experts, les parties prenantes et les partenaires à travers le Canada, y compris deux membres respectés de l'AAPC :
- Grant Fahlgren : Table consultative sur les infrastructures naturelles et construites résilientes
- Colleen Mercer Clarke : Table consultative sur les environnements naturels prospères
Nous sommes reconnaissants à ces membres de leur participation à la Stratégie nationale d'adaptation et espérons que leur collaboration démontre le leadership et les compétences que les architectes paysagistes apportent à ces questions complexes et importantes.
En tant qu'une des associations professionnelles pertinentes identifiées, l'AAPC continuera à soutenir nos membres dans la mise en œuvre de l'adaptation climatique, dans le développement des outils nécessaires pour communiquer l'importance de ces actions avec leurs clients, et dans le plaidoyer pour l'inclusion des architectes paysagistes dans les projets d'adaptation à toutes les échelles.
"D'ici 2027, 70 % des membres des associations professionnelles pertinentes (p. ex. ingénieurs civils, planificateurs, architectes paysagistes, comptables et autres) ont la capacité d'appliquer les outils et l'information sur l'adaptation au changement climatique et de communiquer l'analyse de rentabilisation des mesures d'adaptation à leurs clients ou à leurs publics cibles " (Gouvernement du Canada, Stratégie nationale d'adaptation, p. 29).
"Les architectes paysagistes sont particulièrement qualifiés pour relever les défis associés au changement climatique au Canada. Notre profession se spécialise dans la réduction de l'écart entre les environnements construits et naturels, ainsi que dans la conception et la mise en œuvre de solutions basées sur la nature". Jane Walsh, ville de Toronto (présidente du comité de l'AAPC sur l'adaptation au climat).
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L’AAPC souhaite saisir l’occasion pour préciser sa pensée :
1. L’heure de la transformation a sonné
L’AAPC approuve l’objectif du rapport sur les infrastructures résilientes (bâties et naturelles) de mettre en place un système d’infrastructures adaptées aux changements climatiques d’ici 2050. L’heure de la transformation a sonné.
Notre société et ses gouvernements doivent impérativement adopter une approche écologique fondée sur une nouvelle compréhension des systèmes naturels. Les architectes paysagistes sont formés pour concevoir des solutions selon une approche holistique et multidisciplinaire dans un esprit de bonne intendance. Cette approche relie non seulement la santé et le bien-être des citoyens à la qualité de notre environnement et de nos systèmes naturels, mais également aux solutions d’adaptation climatique.
2. Intégrer le savoir technique et le savoir autochtone pour des solutions holistiques et équitables
L’AAPC partage la conclusion audacieuse du rapport sur les infrastructures résilientes (bâties et naturelles) selon laquelle l’adaptation climatique requerra les « efforts de l’ensemble de la société ».
Les architectes paysagistes collaborent de fait avec des professionnels apparentés, notamment les urbanistes, architectes et ingénieurs, et avec les collectivités. Élaborer des plans de résilience à long terme permet de concevoir des solutions adaptées aux besoins particuliers des collectivités et des lieux publics extérieurs. Les architectes paysagistes sont par essence les architectes de la nature et, comme l’a démontré la pandémie, une relation harmonieuse avec la nature est un gage d’une société saine.
Selon les architectes paysagistes qui œuvrent auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis, il est essentiel dans le cadre de la réconciliation d’inclure les peuples autochtones et de tenir compte de leurs valeurs, de leurs voix et de leur savoir dans la planification, la conception et la gestion des aménagements au pays. Les accords sur l’autonomie gouvernementale et sur les revendications territoriales (dont la mise en œuvre de la DNUDPA) entre le Canada et les gouvernements autochtones facilitent les partenariats décisionnels. Il incombe donc au Canada de conclure ces accords et de respecter l’obligation de consulter les gouvernements autochtones dans le cadre d’un programme d’amélioration urgente des infrastructures. De plus, le gouvernement doit soutenir financièrement, dans le cadre des programmes environnementaux actuels, les collectivités et gouvernements autochtones pour assurer la gestion et la restauration des habitats, la gestion des terres et des océans, et la gestion du carbone. Bon nombre de ces initiatives de conservation ont recours à l’expertise des architectes paysagistes.
L’objectif à moyen terme numéro 7 du rapport sur l’environnement naturel florissant est d’une grande pertinence pour l’AAPC et les architectes paysagistes.
Extrait du rapport consultatif sur l’environnement naturel florissant
Les architectes paysagistes intègrent déjà ces éléments dans leur travail de conception. Selon l’AAPC, la collaboration interdisciplinaire est essentielle à la résolution des grands enjeux mondiaux. Précisons que l’AAPC a créé un comité sur l’adaptation climatique en 2014 afin d’intégrer cette notion et les solutions fondées sur la nature à ses pratiques, et plaide pour des changements de politiques dans les trois ordres de gouvernement.
Conscients de la nature évolutive du climat, les architectes paysagistes utilisent les dernières données scientifiques pertinentes à leurs travaux dans le cadre de partenariats avec des scientifiques provenant des gouvernements, des universités et des organismes internationaux pour des interventions fondées qui tiennent compte des priorités, des politiques et des pratiques en vigueur.
L’AAPC et la profession profitent également de partenariats permanents, notamment avec le Comité canadien de l’Union internationale pour la conversation de la nature. Les concepts de réconciliation, de justice climatique, d’équité et de diversité sous-tendent les valeurs et le rôle de l’AAPC qui promeut ces objectifs dans l’exercice de ses fonctions.
3. Insister sur les solutions fondées sur la nature
Les solutions fondées sur la nature (SFN), concept familier aux architectes paysagistes, sont maintenant considérées comme un outil intégral de réduction des gaz à effet de serre, et visent la pérennité de l’environnement et de la société.
Considérant que la santé écologique du milieu est essentielle au bien-être des citoyens, l’AAPC est en quête de partenariats et d’avenues pour contribuer à la durabilité. L’une de ces avenues consiste à approuver les principes d’application des solutions fondées sur la nature. Selon l’AAPC, les SFN permettent d’aborder dans un esprit pérenne l’enjeu de la durabilité, notamment les changements climatiques, la sécurité alimentaire et hydrique, la dégradation des sols, la perte de la biodiversité, le bien-être des citoyens et les catastrophes naturelles.
Pour en savoir davantage sur les architectes paysagistes et les solutions fondées sur la nature.
Œuvrer avec la nature peut réduire les coûts des services écosystémiques des municipalités, ralentir la dégradation de l’environnement et améliorer le bien-être des citoyens. Les aménagements fondés sur la nature présentent de multiples défis, mais offrent de grands avantages. Par exemple, l’expansion de la canopée urbaine réduit les îlots de chaleur, fournit de l’ombre aux citoyens, protège les structures et améliore l’esthétique et la qualité de vie. Des systèmes de gestion des eaux pluviales bien pensés réduisent le ruissellement et les risques d’inondation, améliorent la qualité de l’eau, offrent des espaces récréatifs et créent de nouveaux « aménagements naturels » en ville.
Dès 1900, les architectes paysagistes pratiquaient un urbanisme d’avant garde en aménageant des milieux naturels comme le Mont-Royal à Montréal, Assiniboine Park à Winnipeg, Wascana et Victoria Park à Regina, et Bowring Park à St. John’s. Citons également le parc urbain national de la Rouge à Toronto, le parc territorial Agguttinni à Clyde River et le Grand parc de l’Ouest à Montréal. Il s’agit de nouveaux projets passionnants centrés sur la nature qui assurent à long terme la santé des écosystèmes et la qualité de vie des citoyens. Aujourd’hui, les régions et municipalités qui ont adopté des plans de gestion des risques climatiques ont leurs propres priorités en matière d’adaptation climatique.
Les architectes paysagistes agissent déjà à titre d’experts-conseils dans les municipalités et conçoivent des solutions fondées sur des données scientifiques probantes pour contrer les menaces pesant sur les infrastructures municipales, et ce leadership doit se poursuivre. L’évaluation des risques potentiels et la conception de solutions durables dans les quartiers des municipalités sont complexes. Dans le cas des collectivités nordiques, par exemple, la participation des peuples autochtones dans la recherche, la surveillance et la gestion environnementale en tenant compte du savoir technique et traditionnel peut s’avérer très pertinente. Il est donc important de régler le problème de financement des études sur les risques et les solutions d’aménagement durables dans les municipalités plus anciennes et les agglomérations urbaines en croissance. L’argent du fédéral au service des municipalités durables!
Selon un récent rapport du Forum économique mondial, les pratiques écologiques pourraient créer plus de 395 millions d’emplois dans le monde d’ici 2030 et générer plus de 10 billions de dollars par année au cours de la prochaine décennie. Selon un rapport publié en 2020 par le Bureau d’assurance du Canada et la Fédération canadienne des municipalités, chaque dollar investi dans l’adaptation climatique fait économiser six dollars en pertes éventuelles. Chaque grande ville au pays présente de grandes œuvres de nos architectes paysagistes faisant état de leur expertise. Il suffit de jeter un coup d’œil aux œuvres primées comme Bring Back the Don/Naturalization of the Don River et le réaménagement de Port Lands sur les rives de Toronto, le réaménagement de La Fourche et du canal de dérivation à Winnipeg, le canal Lachine à Montréal, la digue anti-inondation au centre-ville de Calgary et les études cartographiques des inondations de la Nouvelle-Écosse.
Parmi les derniers projets primés, citons la Vancouver Rain City Strategy, une initiative écologique de gestion des eaux pluviales, et le Dale Hodges Park /Stormwater Facility and Public Artwork de Calgary. Ces investissements de plusieurs millions de dollars ont été réalisés au cours de la dernière décennie grâce à l’injection de fonds fédéraux. Ces aménagements sont l’œuvre d’architectes paysagistes et d’urbanistes créatifs qui ont adopté une approche holistique du réaménagement urbain, de la restauration écologique et de l’adaptation aux changements climatiques.
De toute évidence, nous devrons multiplier ce type d’interventions si nous voulons atteindre nos objectifs d’adaptation.
4. Investir dans les espaces verts et les infrastructures vertes
Établir un cadre d’investissement pour orienter les fonds publics vers des infrastructures climatorésilientes.
La croissance rapide des régions métropolitaines depuis vingt ans et l’incidence de la pandémie ont changé notre façon de vivre et de concevoir les lieux publics, ce qui a également réorienté les investissements destinés aux infrastructures. L’analyse des besoins en infrastructure des municipalités démontre de sérieuses lacunes. Jamais un examen public sur le bien-fondé des investissements n’a été aussi impératif, ainsi qu’une évaluation globale des avantages pour les citoyens. Le gouvernement doit miser sur des projets de réaménagement et d’expansion des espaces publics qui assurent la qualité de vie et la pérennité des collectivités, notamment les parcs, les espaces verts, les voies vertes, les terrains de jeu, les places, les rivages, les rues paysagées, les centres communautaires, etc.
L’approche multidisciplinaire des architectes paysagistes permet d’édifier des villes durables grâce à une planification et des interventions raisonnées, et à un financement ciblé. La croissance des municipalités s’est accélérée sans tenir compte des espaces verts. Il y a un manque d’aménagements bien conçus pour desservir les citoyens et la culture. Nous devons soutenir les infrastructures vertes sous-financées et la restauration des espaces publics abandonnés (p. ex. friches industrielles, couloirs de services publics, ports, terrains vagues des centres-villes, corridors de transport).
Les écosystèmes naturels du Canada devront être reconnus comme des actifs essentiels et financés adéquatement. L’idée maîtresse consiste à financer les projets d’adaptation aux changements climatiques ainsi que les infrastructures vertes pour protéger et restaurer les actifs naturels du pays. Les parcs et les infrastructures patrimoniales sont nécessaires pour relever l’Objectif 1 du Canada – Accroître la superficie des aires protégées et de conservation dans chaque province et territoire. Les écosystèmes naturels, s’ils sont gérés de façon responsable, contribuent systématiquement à la résilience climatique du Canada.
5. Investir dans la recherche et le développement
Promouvoir la technologie des bâtiments écologiques, les solutions fondées sur la nature et le design novateur demandera un financement ciblé au CRSH, au CRSNG et aux IRSC pour financer des initiatives écologiques comme les toits verts, les parcs de stationnement écologiques, les bassins de drainage naturels, etc.
De plus, le partage des coûts, les subventions et les incitatifs financiers sont des programmes reconnus qui encouragent l’utilisation de technologies et de solutions fondées sur la nature. Mettre sur pied des services techniques et conceptuels en vue de financer des projets pilotes novateurs dans les centres-villes, les zones rurales, les zones en développement et les collectivités éloignées constitue une solution durable. Les agences de financement et les propriétaires d’infrastructures devront tenir compte des coûts globaux du cycle de vie des infrastructures afin de pouvoir adapter l’entretien et la technologie, et élargir les compétences nécessaires pendant la transition.
6. Adopter des modèles de gouvernance en adéquation avec les objectifs
Pour être cohérents, les trois ordres de gouvernement et les ordres professionnels compétents devront collaborer en vue de concevoir et de mettre en œuvre des solutions novatrices et durables.
Il est impératif, en établissant les objectifs et les indicateurs de rendement de la Stratégie nationale d’adaptation, de préciser une procédure pour établir des partenariats de recherche au pays, et de préciser comment les nouveaux modèles de collaboration peuvent orienter la recherche vers des scénarios à l’échelle locale. Toutes les collectivités devront élaborer leurs propres plans de gestion des risques climatiques en collaborant avec des experts et en consultant leurs citoyens. Des consultations complémentaires et une analyse des avantages à long terme permettront d’établir les priorités. Des modèles de gouvernance bien pensée permettront d’assurer la gestion et l’amélioration des actifs naturels, d’adapter les infrastructures à la réalité climatique et d’intégrer de nouvelles technologies, dans la mesure du possible.
Certaines municipalités et certains ministères au pays devront renforcer leur capacité pour réaliser les nouveaux projets souvent techniques du programme d’adaptation climatique. Aborder la question climatique nécessite une réflexion transversale fondée sur une planification des bassins versants (autorités de conservation), une expertise autochtone et des consortiums de chercheurs, d’entrepreneurs et de professionnels spécialisés. De plus, les processus de planification, notamment les évaluations environnementales, devront être modifiés pour tenir compte des priorités climatiques à l’étape d’analyse et de conception d’un projet. Les architectes paysagistes sont bien placés dans le milieu universitaire, le milieu des affaires et les trois ordres de gouvernement pour soutenir ces projets d’adaptation absolument essentiels.
Les gouvernements, les ONG et les associations professionnelles devront revoir leurs normes de formation technique en tenant compte des nouvelles compétences nécessaires. Le financement de ces initiatives est une étape importante vers l’intégration de nouvelles approches techniques et conceptuelles dans la planification, la gestion et l’entretien des infrastructures au cours de leur cycle de vie. L’AAPC a, par exemple, établi la Norme canadienne du paysage destinée aux professionnels de l’architecture de paysage. Il s’agit d’une norme technique complète pour la pratique de l’architecture de paysage dans le domaine de la construction.